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I
Un
livre très interessant a été publié
récemment (2004) par la musicologue Ivanka Stoianova, Docteur
en musicologie, et professeur à lUniversité
de Paris VIII. Parmi dautres textes, ce livre reproduit une
nouvelle version dun article écrit en 1988 sur la musique
de Jean-Claude Eloy, intitulé "A la recherche du feu
méditant". Ce titre est la paraphrase de luvre
de Jean-Claude Eloy : "A lApproche du Feu Méditant",
composée en 1983 pour un orchestre de Gagaku et deux churs
de moines Bouddhistes (des sectes Shingon et Tendai), et jouée
la même année au Théâtre National du Japon
(Kokuritsu Gekijo), à Tokyo.
Cette
publication est une version développée du texte original,
incluant des parties dun entretien réalisé avec
Jean-Claude Eloy par lauteur, commentant son uvre, depuis
sa jeunesse et ses premières périodes détudes,
jusquà des projets plus récents comme
luvre en devenir "Libérations".
La
totalité du livre offre nombre de textes sur les compositeurs
de la deuxième moitié du XXe siècle, dont les
details sont donnés dans la page précédente
(page spéciale dinformation).
Version
originale de ce texte (1988) sur :
http://www.eloyjeanclaude.com
(aller dans "intros-biograph")
Citation
dun élément original de la version 1988 (p.
213-214) :
"
Dans les spirales lentes du "temps des étoiles",
les oeuvres de J.-CL. Eloy ignorent les petites limites des pièces
musicales destinées aux concerts habituels et s'étalent
sur deux, trois, quatre heures. Comme dans l'oeuvre-fresque électroacoustique
Gaku-no-Michi ou comme les quatre actes du "rituel imaginaire"
de Yo-In, ce long cheminement du percussionniste-soliste à
travers plus d'une centaine d'instruments enchâssés
dans leurs reflets métamorphoses électroacoustiques.
Ou encore comme l'immense rituel imaginaire des voix Shômyô,
des instruments Gagaku et leurs réverbérations électroniques
dans Anâhata. Contrairement aux tapis sonores homéostatiques
dans les grandes oeuvres des minimalistes répétitifs,
la stratégie compositionnelle d'Eloy est celle des vastes
architectures "maximalistes" : une stratégie fondée
sur le principe formateur du contraste (mais à longues distances,
par transformations étirées) et sur le raisonnement
fondamentalement dialectique visant l'intégration des opposés
dans une oeuvre-totalité cohérente. Des moments de
grande violence et de tourbillonnement très dense de la matière
sonore se transforment, par processus gradués, en plages
contemplatives transparentes quasi immobiles, selon une logique
gestuelle de déploiement des contraires et des multiplicités,
vers leur intégration dans un tout cohérent malgré
ses dimensions extrêmement vastes.
La
véritable grandeur de cette musique n'est ni dans son élan
nomade traversant le monde entier, ni dans la multiplicité
des moyens et des techniques les plus sophistiquées, ni dans
la virtuosité du métier du compositeur, ni dans l'ampleur
impressionnante des oeuvres, mais avant tout dans sa dimension immensément
humaine : celle qui fait tellement défaut actuellement aux
employés-virtuoses de l'ordinateur.
Les
oeuvres d'Eloy nous plongent dans "l'or unique" où
nous retrouvons nos fantasmes d'adultes, d'enfants, d'adolescents,
à la recherche d'une vérité profonde. A la
recherche de nous-mêmes, en nous et dans le monde. C'est cette
dimension nomade, éternelle, hors-temps et avant tout fondamentalement
humaine qui fait la force attrayante des "spirales de la même
galaxie" dans la musique d'Eloy. Car elle cherche, toujours
à nouveau, "le Feu méditant" : "...sa
méditation est le coeur, c'est-à-dire l'ampleur du
monde, celle qui éclaire et abrite..." (*).
(*) M. Heidegger, "Alèthéia, Commentaire d'Héraclite",
in Essais et conférences, Gallirmard, Paris, 1958, p. 333.
Publication
en langue Française
IVANKA
STOIANOVA
"Entre détermination et aventure"
Essais sur la musique de la deuxième moitié du XXème
siècle
Collection "Esthétiques"
Editions l'Harmattan, Paris, 2004
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II
Dun
livre publié en 2003 par le musicologue François Decarsin
sous le titre "La musique, architecture du temps", nous
pouvons citer un interessant commentaire dans le chapitre intitulé
: "Du continu au temps lisse" (p. 152 à 154) :
"
Cette réalisation de l'immobilité, de
la perte de la conscience de l'écoulement temporel, est revendiquée
à divers degrés par les compositeurs, de Jean-Claude
Eloy à Ligeti ou La Monte Young. L'oeuvre ne se réfère
plus ici aux critères nécessaires à la mise
en perspective d'un axe passé / futur par l'action de la
mémoire et le retour du connu, ni même à ceux
qui structurent le présent, à cause de la lenteur
du déroulement et de la continuité souvent imperceptible
du renouvellement [
] "il s'agit d'une musique absolument
continue sans aucune interruption du début jusqu'à
la fin (*)" [
]
(*)
Jean-Claude Eloy, Shânti (pochette du disque), Erato, 1979
(STU 71205/6).
Cette continuité si importante du déroulement nempêche
d'ailleurs nullement une structuration interne, comme le montrent
les quatre parties de Gaku-no-michi, mais les différences
n'apparaissent que sur la longue durée, de même que
deux couleurs se distinguent avant et après la dilution qui
les unit progressivement, rendant floues les étapes du passage
de l'une à l'autre sans pourtant entamer leur différence
intrinsèque. Ainsi, la trame musicale s'accomplit dans un
perpétuel tuilage qui détruit les bornes entre les
plages sonores ; elle se modifie lentement et empêche de cerner
le changement qui pourtant existe. [
]
La
mobilité permanente qui définit cette musique n'installe
pourtant pas de trajectoire permettant de s'orienter par la délimitation
d'états différenciés, mais elle envahit les
cadres formels dans un processus de conduite irréversible,
progressant en une "spirale illimitée", unificatrice
jusque dans l'articulation générale ; le son concluant
la deuxième partie de Gaku-no-michi, identifié à
un point d'orgue, est d'ailleurs pensé par le compositeur
comme à "évolution interne". Ainsi, malgré
la présence du "son de méditation" dans
Shanti et "d'étapes de contemplation" dans Gaku-no-michi,
l'énoncé ne s'immobilise jamais dans un véritable
temps lisse ; seule la durée très longue des métamorphoses
gêne l'établissement d'un relief temporel, d'un axe
passé / futur, sans pour autant glisser dans le complet statisme.
On
peut trouver chez Steve Reich des traces de ce souci de continuité
et de modification progressive [
] La recherche d'un temps
"neutralisé" apparaît être également
une préoccupation de Ligeti
"
François
Decarsin est professeur à lUniversité dAix-Marseille
I, et chercheur au Laboratoire "Esthétique des arts
contemporains" du CNRS / Université Paris I.
Publication
en langue Française
FRANÇOIS
DECARSIN
"La musique, architecture du temps"
Collection : "Arts et Sciences de lArt"
Editions l'Harmattan, Paris, 2003
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III
Cette
préoccupation avec le "temps" semble être
à la racine de nombreux commentaires sur les uvres
de Jean-Claude Eloy. Nous pouvons citer ici le fameux commentaire
fait par Olivier Messiaen, il y a des années, dans un livre
dentretiens réalisé avec le critique Français
Claude Samuel (p. 88) :
"
Nous parvenons actuellement à ces grandes plages de durées
longues qui débordent non seulement les mesures classiques
mais même la métrique grecque, les deçî-tàlas
de l'Inde et les valeurs irrationnelles. Nous assistons à
un changement de la notion de temps et je crois qu'un des musiciens
pour lequel ce changement est le plus sensible est Jean-Claude Eloy.
En dehors du raffinement des timbres et de la qualité de
"l'hétérophonie", je discerne dans la musique
de Jean-Claude Eloy une conception du temps qui est tout à
fait à la pointe de l'avant-garde
"
Publication
en langue Française
OLIVIER
MESSIAEN
"Musique et couleur"
Nouveaux entretiens avec Claude Samuel
Collection "Entretiens"
Editions Pierre Belfond, Paris, 1986.
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IV
Dans
un livre remarquable écrit sur Karlheinz Stockhausen par
lécrivain et poète Français Paul Dirmeikis,
publié sous le titre "Le Souffle du Temps : quodlibet
pour Karlheinz Stockhausen", cette citation de Messiaen est
à nouveau reproduite (p. 224), en même temps que dautres
éléments donnés par Jean-Claude Eloy pour la
réalisation de ce livre, qui fait sentremêler
divers entretiens et contributions donnés par : Annette Meriweether,
Michèle Noiret, Kathinka Pasveer, Suzanne Stephens, Irvine
Arditti, Nicholas Isherwood, Alain Louafi, Julian Pike, Markus Stockhausen,
Jean-Claude Eloy, et Karlheinz Stockhausen.
Publication
en langue Française
PAUL
DIRMEIKIS
"Le souffle du temps : quodlibet pour Karlheinz Stockhausen"
Editions Telo Martius, France, 1999.
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